On connaît la Suède pour ses lacs, ses forêts et ses milliers d’îles côtières. Mais qui pense à découvrir ce pays par le prisme de son histoire wallonne ? Pour pallier ce manque, voici un petit tour guidé des lieux à ne pas manquer dans le pays !
A Stockholm
Le Parlement de Suède (Riksdag)
Situé dans le centre historique, il a été construit de 1897 à 1905. C’est le roi Oscar II qui pose la première pierre. Huit ans plus tard, le jour de l’inauguration, l’accueil est plutôt froid. L’époque est à l’Art Nouveau, pas au néo-baroque. Reste que la réalisation est une prouesse : 37.000 m³ de terre ont dû être excavés et évacués rien que pour poser les fondations du bâtiment. Le lieu vaut le détour parce que sur l’attique, autrement dit la partie supérieure de la façade, se trouvent quatre statues représentant les composantes de la société scandinave médiévale : le clergé, la paysannerie, la noblesse et la bourgeoisie. Devinez quel est le visage qui représente cette dernière ? Celui de Louis de Geer… Un Wallon sur un bâtiment aussi emblématique, ça mérite bien une photo !
La boulangerie Grillska Huset
Ce restaurant se trouve dans la vieille ville et bénéficie d’un cadre aussi charmant que désuet puisque la maison date de 1649 ! De quoi donner envie de s’y arrêter pour une pause gourmande. Les plats sont faits maison et au rayon pâtisserie, on peut déguster des Vallonbullars, délicieuses brioches wallonnes et le fameux gâteau princesse ultra coloré (mélange de pâte d’amande et de génoise), hommage à cette jeune suédoise qui allait devenir la Reine Astrid de Belgique. Mythique !
Le Musée de l’Armée
Considéré comme le meilleur musée de Stockholm en 2005, il raconte l’histoire militaire de la Suède jusqu’à ce que celle-ci décide de rester neutre dans les conflits. Une visite qui permet d’évoluer dans cet ancien arsenal construit au 17e siècle. Le plus qui peut rendre fier ? Une salle tout entière est consacrée à l’influence wallonne sur la technologie militaire suédoise.
Le Palais de la Noblesse (Riddarhuset)
Vieux de quatre siècles, il se trouve en plein cœur de la capitale. Ce lieu de rendez-vous de la noblesse est magnifique. Aujourd’hui, plus de 2.000 familles ont leur blason familial accroché dans la grande salle. Parmi celles-ci : quatre viennent de Wallonie, chacune d’elles anoblie pour services rendus à la Couronne suédoise. Il y a les de Geer avec évidemment Louis considéré comme le père de l’industrie. Il y a les de Besche avec Willem, le cerveau technique de la migration pour le travail du fer et la production de canons. Il y a les deux frères Reenstierna, propriétaires de bruks et enfin, les Cronström, originaires de Liège et arrivés en Scandinavie au 17e siècle.
Le Palais de Geer ou Edda Brahe
Situé dans le quartier de Södermalm, ce bâtiment de style baroque hollandais date de la fin des années 1640 et, depuis 60 ans, abrite l’ambassade des Pays-Bas. A l’origine de sa construction, un homme : Louis de Geer. Malheureusement, celui-ci en profitera peu car il décède en 1651, soit un an après la fin des travaux. La propriétaire qui lui succède est une veuve, Edda Brahe, d’où le second nom utilisé parfois pour nommer cet immeuble. Selon une légende, le palais abriterait deux fantômes : celui du roi de Suède, Gustav II Adolf, en quête de son amour de jeunesse, Edda, et aussi le fantôme d’une dame blanche, apparition de mauvais augure puisqu’elle annoncerait alors la mort de quelqu’un dans la maison.
La bibliothèque du Jernkontoret (Fédération suédoise des producteurs de fer et d’acier)
Si vous êtes intéressés par l’histoire de l’exploitation minière et de la métallurgie, cet endroit est fait pour vous. Il y a là quantité de matériels disponibles : des livres sur l’histoire économique et sociale, des documents biographiques, des milliers de portraits et d’illustrations de forges. Parmi les pépites : les lithographies de Sixten Haage, un artiste né en 1926 à Stockholm et fortement inspiré par l’histoire des Wallons de Suède puisqu’il a réalisé plusieurs œuvres riches en détails sur le sujet.
Dans la Province d'Uppland, Comté d'Uppsala
Au nord de la capitale suédoise, on compte une trentaine de villages industriels, autrement dit des Vallonbruks, dans lesquels les forgerons wallons vivaient et travaillaient. Cadres de vie débordant d’activités avant de devenir des havres de paix. Il faut y aller, d’abord pour découvrir ça, cette nature incroyable, ces forêts fascinantes, ensuite et surtout, pour tous les souvenirs laissés par ces hommes et ces femmes au fort tempérament.
Lövstabruk
Petite commune dont les origines de la forge remontent au Moyen-Âge. D’abord aux mains de paysans locaux, elle devient ensuite propriété de la couronne suédoise qui la confie à Willem de Besche et Louis de Geer, lequel rachète l’exploitation en 1643. Débute alors une longue gestion familiale ponctuée de problèmes à résoudre. En 1719, la guerre du Nord éclate. Les Russes incendient la forge, ce qui oblige Charles de Geer à devoir tout reconstruire. Et il fait bien, car au 18e siècle, l’usine sidérurgique peut se targuer d’être la plus importante du pays. 1.300 personnes y travaillent alors. Densité de population qui contraste avec celle d’aujourd’hui : Lövstabruk ne compte plus que 100 habitants. Motif principal : le déclin de la production de fer. À partir de 1926, toutes les installations sont démolies, à l’exception des bâtiments qui restent aujourd’hui préservés. Parmi ceux-ci : le manoir de Louis de Geer datant de 1702. Propriété à voir pour son imposante façade sur laquelle on peut admirer le blason rouge et blanc de la famille, avec la devise en français : « Non sans cause ». Se dessine aussi un drapeau avec le coq wallon, signe qu’on est sur une terre chargée de cette histoire-là. Aujourd’hui, le manoir, ses dépendances et son parc n’appartiennent plus à la famille de Geer mais à une fondation. Sa mission depuis 1986 : sauvegarder le domaine et en transmettre la mémoire au public. A noter, l’église située à quelques mètres de là, très insolite. La cloche ne se trouve pas au-dessus du toit mais en face, de l’autre côté de la route. Elle possède également un magnifique orgue du 18e siècle.
Forsmark
Connu pour sa centrale nucléaire et pour son centre de stockage de déchets radioactifs situé sous la mer Baltique, cet ancien village wallon est doté d’un plan d’urbanisme typique des 17e et 18e siècles, lequel permet d’admirer encore l’église, les logements des travailleurs, le manoir du propriétaire du brük et le point d’eau près de la forge.
Österbybruk
Charmant village qui vaut vraiment le détour, car on peut y découvrir des vestiges de la présence d’immigrés wallons et donc comprendre leur vie quotidienne. Coup de cœur ici pour la maison dans laquelle logeait une de ces familles. En entrant là, on ressent tout de suite le passé. Il y a le salon avec les cadres photos, le phonographe, les napperons, le vieux fauteuil… Il y a la cuisine et le hall d’entrée… Images de carte postale qu’on aimerait emporter avec soi tant le lieu est suranné et joliment conservé. Autre pépite dans ce bruk : la forge, absolument magnifique. Un vrai cadeau pour ceux qui aiment plonger dans l’Histoire. Tout là vous ramène à l’époque où l’usine d’Österby produisait du fer de haute qualité pour l’exportation. Et c’est la seule forge wallonne au monde en son état original !
La mine de Dannemora
Située à deux kilomètres à peine d’Österbybruk. Elle a été fermée il y a un siècle, car estimée peu rentable, et va rouvrir prochainement grâce à son minerai dont la pureté permet un processus moins énergivore de production de l’acier. Il faut dire qu’elle se trouve sur le premier gisement de fer du monde. Un atout pour les forges upplandaises qui venaient y puiser la majeure partie de leur minerai, lequel acquit ainsi une renommée mondiale.
A Norrköping
Située dans une baie de la mer Baltique, cette ancienne plaque tournante de l’industrie textile suédoise du 19e et début du 20e siècle a tout pour plaire aux touristes. Il y a là en effet plusieurs centres d’intérêts, certains particulièrement insolites. Norrköping est la ville qui compte le plus de gravures rupestres au monde (plus de 7.000 !) et son marbre vert foncé est utilisé dans des bâtiments mondialement connus comme le Rockefeller Center à New York. Cerise sur le gâteau : c’est là que les premiers Wallons débarquèrent au 17e siècle. Histoire encore bien vivace puisque le nom de Louis de Geer est sur tous les panneaux d’indications. Pour en comprendre la raison, on peut aller sur la place Vieille. Là se trouve sa statue sculptée par un Suédois d’origine wallonne, Carl Milles, avec à ses pieds l’inscription suivante : « Ce monument est érigé près des rives où lui-même écoutait autrefois le grondement des rapides et le chant des labeurs. À Norrköping, il a ouvert une usine d’armes et de laiton mais aussi fondé l’industrie textile de la ville ». Ce n’est pas le seul hommage au père de l’industrie suédoise : la magnifique salle de concert et centre de congrès porte aussi son nom.
Par Nadia Salmi
Cet article est issu de la Revue W+B n°161.