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Novadip, spin-off de l’Université de Louvain, a mis au point un produit thérapeutique révolutionnaire. A partir de cellules souches sélectionnées dans la masse graisseuse d’un patient, ces chercheurs wallons parviennent à constituer un greffon de masse osseuse. Appelé Creost, ce morceau d’os a l’apparence de la plasticine. Il est de nature à faciliter la reconstruction osseuse du patient. Avec cette découverte, Novadip entend partir à la conquête des marchés internationaux.

 

Créée en 2013 à partir de travaux de recherche du Pr Denis Dufrane, dans le cadre de l’Université de Louvain et des Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, Novadip est une jeune start-up prometteuse à bien des égards. A l’origine de cette société active dans le secteur pharmaceutique, une découverte technique et médicale. « A partir de la graisse d’un patient, d’un échantillon d’un volume inférieur à celui d’un morceau de sucre ponctionné au niveau du ventre, nous parvenons à isoler des cellules souches d’origine adipeuse. Ces cellules, grâce à un signal particulier qui leur est transmis, peuvent être différenciées. Selon le signal qu’elles recevront, ces cellules peuvent reconstituer différents tissus et notamment un tissu osseux possédant toutes les propriétés d’un os natif », précise Jean-François Pollet, CEO de Novadip.

 

Les chercheurs de l’Université de Louvain sont donc parvenus à synthétiser une masse osseuse à partir de cellules souches ponctionnées chez un patient. C’est une première mondiale, fruit de recherches débutées en 2007 par les équipes du Pr Dufrane, à la tête du Centre de Thérapie Tissulaire et Cellulaire des Cliniques Saint-Luc. Novadip a été créée pour développer ce concept de médecine régénérative et pour transférer cette innovation vers le marché. « Au cœur de nos laboratoires, ces cellules souches prélevées sur le patient sont donc mises en culture et se différencient en ostéoblastes, cellules capables de synthétiser un nouveau tissu osseux sain permettant de corriger n’importe quelle lésion ou dégénérescence du système squelettique», poursuit le CEO. « Le caractère révolutionnaire de l’approche réside dans le fait que l’on parvient à créer, en trois dimensions et sans aucune limite en terme de volume de greffon, un tissu osseux  possédant toutes les propriétés qualitatives et mécaniques nécessaires à son implantation dans des cas de lésions et pathologies osseuses sévères et ce, sans ajout d’un quelconque biomatériau. »  

 

Le fait de proposer un greffon solide, en trois dimensions, présente un avantage par rapport à des cellules souches. Le problème avec ces dernières est que l’on ne sait jamais contrôler totalement leur immobilisation sur un lieu d’implantation, ni la qualité et l’homogénéité du tissu à régénérer. Avec le Creost, Novadip est parvenu à trouver une solution à cette problématique. 

 

Des applications thérapeutiques

Novadip entend aujourd’hui valoriser les résultats de ces recherches, les appliquer à travers une médecine pouvant venir en aide à de nombreux patients souffrant de lésions ou de dégénérescence osseuses sévères. « Cette découverte doit pouvoir venir en aide à des patients souffrant, par exemple, d’un cancer de l’os, d’une fracture non consolidée, d’une pseudarthrose congénitale, d’une dégénérescence des disques intervertébraux ou d’un traumatisme maxillo-facial », commente Jean-François Pollet.

 

Mais avant d’en arriver là et de pouvoir commercialiser le Creost, la start-up a encore du chemin à parcourir. A partir des résultats issus de la phase de recherche fondamentale, il a d’abord fallu développer le « proof of concept », autrement dit traduire les résultats de ces recherches en une application médicale. Avant de tester le concept sur des patients humains, il est passé par la phase d’expérimentation animale et a offert des résultats extrêmement probants. Ce stade est déjà dépassé depuis un moment.  « A l’heure actuelle, onze patients souffrant de problèmes de consolidation osseuse, de dégénérescences au niveau de la colonne vertébrale ou encore d’une tumeur osseuse ont bénéficié du traitement que nous proposons, avec d’excellents résultats », précise Jean-François Pollet. « En l’espace de quelques mois, on a pu constater une reconsolidation osseuse complète et certains de ces patients sont suivis depuis plus de 3 ans sans que nous puissions observer un quelconque effet secondaire ou dégénérescence du greffon. »

 

Commercialisation en vue

L’enjeu, désormais, est de pouvoir industrialiser le procédé. Nodavip, constituée avec un capital de départ de 550.000 euros, apporté par ses deux fondateurs, Jean-François Pollet et Denis Dufrane, la Sopartec - outil de transfert de technologies de l’UCL -, le fonds Vives II et les Cliniques St-Luc, est actuellement occupée à procéder à une levée de fonds de 8,5 millions d’euros. La start-up est en discussion avec plusieurs investisseurs qui devraient lui permettre de rassembler le montant nécessaire à la réalisation d’une étude clinique multicentrique à l’échelle internationale. Celle-ci aura pour objectif de démontrer la sécurité du traitement, ainsi que son efficacité. Elle devrait s’étendre sur trois ans. « Cela fait partie des étapes par lesquelles il faut passer pour enregistrer un nouveau médicament. On compte deux ou trois phases successives. Après cette première étape, il faudra procéder à d’autres études cliniques, qui concerneront des panels de patients beaucoup plus larges », explique Jean-François Pollet.

 

La commercialisation effective du traitement est prévue aux alentours de 2019-2020. Novadip, d’ici là, devra encore procéder à deux autres tours de table. Les dirigeants de la start-up sont confiants. Les investisseurs rencontrés jusqu’ici témoignent d’un vif intérêt pour ce qu’ils ont à proposer. Mais l’enjeu est immense, tant au niveau médical que d’un point de vue économique. « Pour la commercialisation, il faudra développer deux entités pharmaceutiques, l’une pour le marché européen, l’autre pour les Etats-Unis », précise Jean-François Pollet. « Ce sont actuellement les deux principaux marchés de ce secteur pharmaceutique, mais nous ne négligeons pas pour autant les autres marchés », précise le CEO. 

 

Novadip, en collaboration avec les cliniques Saint-Luc, poursuit d’autres recherches et  développements. Aujourd’hui, le traitement s’inscrit dans une approche autologue – on crée un greffon à partir des propres cellules souches du patient. La start-up espère aussi pouvoir permettre des greffes allogéniques, autrement dit proposer des greffons osseux créés à partir de cellules souches d’un donneur, permettant ainsi de soigner plusieurs patients à la fois. « A travers cette approche, il faudra toutefois considérer la problématique du rejet de greffe », poursuit Jean-François Pollet.

 

Si Novadip parvient à créer des masses osseuses, il est aussi possible, à partir des cellules souches ponctionnées dans la graisse de tout individu, de créer d’autres types de tissus ou d’organes. « D’autres développements, à des étapes déjà avancées, ont apportés des résultats convaincants. Il est possible, à partir de cellules souches, pour peu que l’on connaisse le signal à leur transmettre, de créer n’importe quel tissu. A ce stade, toutefois, nous ne souhaitons pas encore communiquer sur ces résultats. » 

 

 

Cet article est issu de la Revue W+B n°124

Jean-François Pollet, CEO de Novadip

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