Pour le Salon de Milan, Kaspar Hamacher et la tannerie Radermecker se sont associés pour un prototype de fauteuil, exposé lors de l’événement « A Matter of Perception: Tradition & Technology » organisé par Belgium is Design et le magazine DAMN°.
Commençons par une question classique : qui êtes-vous Kaspar Hamacher?
La réponse ne sera pas aussi classique que la question car mon travail se situe à l’intersection des sphères du design, de l’artisanat et de l’art. Je suis menuisier-charpentier de formation. J’ai ensuite suivi un cursus artistique aux Pays-Bas. J’y ai élaboré une approche personnelle du travail du bois que je poursuis toujours actuellement. Aujourd’hui, je vis et je travaille dans ma région natale, près d’Eupen, à proximité immédiate de la forêt. Mes créations sont des pièces uniques, situées entre la sculpture et le mobilier. J’aime travailler le bois brut à travers des traitements forts de la matière comme la découpe à la tronçonneuse ou l’emploi du feu pour ma collection Ausgebrannt.
Où peut-on découvrir vos productions ?
Un peu partout à vrai dire. En premier lieu, dans mon atelier, mais aussi à l’étranger. J’ai beaucoup de clients à Paris et à New York. Actuellement, je travaille avec deux galeries situées à Berlin et à San Francisco. Je n’ai pas d’éditeur car j’ai la volonté de réaliser moi-même l’ensemble de la fabrication de mes pièces. Celles-ci sont uniques et sur-mesure. De ce fait, les voies de diffusion et de distribution de mon travail se situent plutôt dans le domaine des galeries et des expositions. Je suis régulièrement sollicité pour montrer mon travail dans les institutions culturelles. L’année dernière, par exemple, j’ai participé à l’exposition "Futur Archaïque" organisée par le CID du Grand-Hornu et qui a aussi été présentée au MUDAC de Lausanne, en Suisse. Cette année, c'est ma 4ème participation au Salon de Milan. Le salon est une formidable ouverture sur le monde professionnel du design et donne une visibilité internationale unique.
Vous y avez exposé cette année un projet réalisé en duo. Pouvez-vous nous présenter votre partenaire ?
Il s’agit de la Tannerie Radermecker située à Warneton, dans le Hainaut. L’entreprise existe depuis 1870 et propose un savoir-faire exceptionnel dans le domaine du cuir. Leur travail couvre toutes les étapes de transformation, depuis la réception des peaux de bêtes jusqu’à l’obtention du cuir fini. La tannerie a la particularité de travailler la peau de bovin et de produire un cuir épais adapté, entre autres, aux applications industrielles. Depuis une quinzaine d’années, elle s’est ouverte à d’autres secteurs d’activités comme la sellerie et le mobilier. Elle dispose en effet d’un atelier de manufacture, ce qui la différencie des autres entreprises du secteur. Le travail perpétué chez Radermecker est ancestral et pratiquement en voie de disparition en Belgique, voire en Europe. J’espère que le projet proposé à Milan va participer à faire connaître leur activité et à revaloriser en général le travail du cuir.
Quel a été le rôle de la tannerie?
La tannerie Radermecker m’a donné accès à une matière première d’une qualité exceptionnelle. Elle m’a aussi aiguillé dans les possibilités de façonnage et de traitement du cuir. L’opportunité de m’immerger dans ce monde particulier a été formidable pour moi. En tant que designer et artiste, j’ai finalement pris des libertés par rapport aux méthodes classiques de la tannerie. J’ai voulu employer un cuir très épais, dans son côté le plus brut. J’ai court-circuité l’étape du traitement du cuir qui l’affine et le rend « travaillable » avec les outils du tanneur. Comme pour mon travail du bois, j’ai voulu employer une matière brute, entière, à laquelle j’applique un traitement mécanique fort.
Quel est le projet proposé au Salon de Milan ?
Il s’agit d’un prototype de fauteuil bas. Le projet est né de mon envie de retravailler le cuir, que j’avais expérimenté il y a plusieurs années. Il est composé d’une pièce monolithique en bois, qui sert de structure au fauteuil et d’une feuille de cuir épais, tendue et clouée sur l’assise en bois. Le cuir et le bois sont deux matières naturelles, fortes et denses, l’une rigide et l’autre souple. Leur mise en dialogue ouvre de nouvelles perspectives pour mon travail. Le fauteuil est la première pièce d’une future collection qui sera complétée par des chaises, des bancs, des repose-pieds…
Sylvie Reversez
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